mercredi 9 mai 2012

Le passing, ou la gestion de l'aléa

Pour les personnes trans, le passing est le fait de se faire voir dans son genre désiré. Pour un ftm, c'est donc le fait d'être vu en tant que garçon dans sa vie de tous les jours, dans la rue, à la poste, au supermarché. Cela concerne principalement les inconnus, qui ignorent notre transidentité, et à qui nous n'avons pas forcément envie de donner d'explications.

Avant le traitement hormonal, il est plus ou moins compliqué de "passer" selon les gens; cela dépend de la taille, des formes, de la voix, et de notre capacité à modifier et contrôler notre apparence pour la rendre plus conforme avec les critères dits "normaux" par la société (un homme est grand et a la voix grave, une femme a des formes et la voix aiguë).

Personnellement, avant la testo, je passais très mal. Ma voix me trahissait clairement, même si elle n'était pas si haute que ça. Je manquais aussi de confiance en moi; quelqu'un qui est confiant en son passing a bien plus de chance de "convaincre" son interlocuteur.

Une des choses vraiment intéressante du début de transition est de voir progressivement son passing s'améliorer. Pour moi, c'est allé très vite. Je pense qu'après 4 mois environ de T je passais dans 90% des cas. C'est d'autant plus agréable que c'est vraiment pénible au quotidien lorsque l'on a aucune idée si on va être appelé Madame, Monsieur, ou si on va avoir droit à un vieux regard gêné. C'est très compliqué de savoir sur quoi les gens se basent pour déterminer si vous êtes un homme ou une femme. J'ai pu me rendre compte du côté culturel de la chose lors d'un récent voyage au Cambodge puis en Australie.

Au Cambodge, je n'ai eu absolument que du masculin. C'est un pays assez conservateur et je pense qu'il était inimaginable pour les gens la bas de voir une fille se comporter ou s'habiller comme moi. En Australie, j'ai eu pas mal de formules neutres "mate" si j'étais seul ou "guys" si j'étais avec des gens. C'est agréable en anglais que les gens n'aient pas à faire un choix si ils n'arrivent pas à déterminer votre genre, ou si ils estiment que vous êtes plutôt androgyne. J'ai quand même eu une journée étrange à Melbourne, ou je n'ai eu droit qu'à des "Madame" et du féminin toute la journée. J'étais habillé/coiffé comme d'habitude, mais va savoir pourquoi, ce jour la, dans les yeux d'inconnus, je ressemblais plus à une fille qu'à un garçon.

J'ai quand même trouvé que mon passing en Australie était un peu moins bon qu'en France. La bas, l'expression de genre est plus libre. Il n'est pas rare de voir des femmes, avec le crâne rasé par exemple, donc je pense que les gens se fient à des choses plus subtiles. En France, si je suis avec ma copine (qui est très féminine) je passe tout le temps (cela m'aidait déjà avant la testo). Mais en Australie, l'homosexualité est beaucoup mieux entrée dans les mœurs, et on voit beaucoup plus de couples homo dans la rue, donc le fait d'être accompagnée d'une fille ne faisait pas de moi un garçon par défaut aux yeux des gens.

Tout ça pour dire que le passing reste une science très inexacte, qui bouffe énormément de temps et d'énergie aux personnes trans. Si vous rencontrez quelqu'un qui se présente clairement dans le genre opposé à son sexe, faîtes l'effort de vous adresser à lui/elle dans son genre choisi, vous lui ferez plaisir, et ça ne vous coûtera rien!

samedi 5 mai 2012

Modification de la CNI

Pour mettre à profit mon acte de notoriété, il faut que les nouveaux prénoms M apparaissent sur la carte d'identité sous forme de pseudonyme. Aucun organisme officiel (sécu, banque, etc.) n'accepte de changer un prénom uniquement grâce à l'acte de notoriété.

J'ai donc pris un rendez-vous pour faire un demande de renouvellement de carte d'identité. Coup de bol, je regarde hier soir le site pour prendre un rendez-vous en ligne, et une place c'était libérée ce matin à 8h40, alors que la prochaine place était le 30 mai!

Tout content (mais un peu cerné), je vais faire mes photos d'identité à 8h30 à la mairie (je galère à trouver assez de pièces à mettre dans la machine, donc je passe pour un clochard) et j'arrive à la préfecture à 8h40 pour mon rendez-vous.

Début des problèmes, une machine distribue les tickets, il faut entrer son numéro de portable pour l'obtenir. Je tape mon numéro, on me dit que je n'ai pas de rendez-vous. Je vais au guichet, me fais engueuler parce que je n'ai pas de ticket, essaye d'expliquer à la furie qui semble être la responsable que j'ai pris mon rendez-vous tard hier soir, donc qu'il n'est peut être pas dans le système. Après 15 minutes de baratin, elle accepte d'aller ré-imprimer le listing et comme par magie, je suis dessus! Il s'avère que j'avais fait une faute de frappe à mon numéro de portable -  ça m'apprendra à faire ce genre de truc à une heure du mat! Pour vérifier que c'est bien moi, la meuf se sent obligée de hurler mon nom, prénom F et numéro de téléphone...au cas ou je la détestais pas déjà avant, c'est fait!

Je suis finalement reçu par une jeune fille pour déposer mon dossier, qui semble un peu perdue par ma demande. Je lui explique que je n'ai pas besoin d'une carte d'artiste pour apposer un pseudonyme à ma carte d'identité, que l'acte de notoriété suffit. Après coup j'aurai du lui imprimer la page du site service-public.fr qui dit ceci:

Il est possible de faire figurer un pseudonyme à la suite du nom de famille sur sa carte nationale d'identité si sa notoriété est confirmée par un usage constant.
Lors du dépôt de la demande, il faut produire :
  • un acte de notoriété soit établi par le juge du tribunal d'instance, dans les tribunaux qui le proposent, soit délivré par un notaire, ou
  • une attestation de l'organisme professionnel auprès duquel l'activité sous pseudonyme est exercée (artistes, comédiens, etc.).
L'administration dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation en la matière et peut refuser l'inscription.




J'ai donc déposé mon dossier, après que la meuf m'ait expliqué que l'accord n'était pas automatique, qu'ils ne pouvaient pas donner des pseudonymes à tout le monde, et qu'un acte de notoriété n'avait pas de valeur, et que le temps que l'administration prenne une décision ça pouvait prendre entre 2 et 6 mois!! En bref, si j'avais eu un shotgun, je l'aurais explosée!

Au final je dois y retourner dans un mois et demi pour voir si mon dossier a été accepté, et si c'est pas le cas je me ferai un plaisir de faire un scandale dans la préfecture, et cette fois j'y retournerai avec le texte de loi!!